Monsieur “le déjà maire”

Lorsque Delanoë prend la parole, Paris, c’est sûr, a basculé à gauche. Le candidat s’efface devant “le maire”. Fond bleu, costume gris, visage impassible, presque sévère, qui traduit que la victoire vite digérée a laissé place à la fierté et au devoir de se montrer, déjà, à la hauteur.
A une foule qui exulte et l’acclame sur le slogan populaire “on a gagné !”, Monsieur le “déjà maire” adresse quelques signes de la main pour appeler au calme. La foule est en liesse, Bertrand Delanoë est grave. Et revient en écho le “Je vous demande de vous arrêter” d’un Edouard Balladur contrit, un soir de défaite. Qu’on fasse silence, “Il” va parler. Le changement de stature impose un autre discours, plus empathique, plus pompeux, et même carrément emprunté. “Je serai le maire de tous les Parisiens !”, lance Bertrand Delanoë. Et revient en écho le “Je serai le Président de tous les Américains”, d’un George Bush finalement triomphateur. Puis on passe à l’Histoire avec un grand “H”. “Monsieur le maire” évoque pêle-mêle “la Cité séculaire”, enfin gagnée par “les amoureux de la liberté”, avant de conclure sur “une histoire qu’il nous appartient d’écrire ensemble”…
La grandiloquence de Delanoë atteint des sommets devant une foule joyeuse qui ne veut que faire la fête, s’enivrer, et laisser exploser sa joie et son soulagement d’avoir enfin arraché Paris à la droite. Mais Monsieur “le déjà maire” est passé de l’autre côté. Il a pris de la hauteur, beaucoup de hauteur d’un seul coup. C’est bizarre, mais on se demande si son nouveau costume lui va si bien que ça.

Antonin André