France : L'absentention n'épargne pas les municipales
Analyse
Ville de droite,
vote à gauche ?

Dimanche 11 mars, 18 heures.Embourgeoisement, participation, proximité. Tels sont les trois facteurs clés pour un basculement de la capitale.
Un concours de circonstances. La "vague rose" annoncée sur la capitale ne tiendrait finalement qu'à cela. A la rencontre d'événements politiques, sociologiques et irrationnelles - il en faut toujours dans un scrutin - pour expliquer le basculement à gauche d'une ville historiquement de droite.
Depuis la percée de la gauche aux municipales de 1995 où elle avait remporté 6 arrondisements et plus encore les européennes de 1999 où la liste conduite par Daniel Cohn-Bendit pour les Verts avait recueilli 17% des sufrages, les spécialistes glosent sur l'influence des fameux "bourgeois-bohèmes".
Ces représentants d'une nouvelle géographie parisienne appelés à livrer Paris à la gauche. De fait, ce succès est principalement dû à la régression de l'électorat ouvrier et populaire chassé par la rénovation urbaine, notamment dans l'Est parisien, au bénéfice d'une nouvelle bourgeoisie du tertiaire, intellectuelle et "informationnelle". Un constat en forme de paradoxe : l'embourgeoisement des quartiers populaires de Paris renforce l'implantation de la gauche.
A la faveur d'un recentrage idéologique, le Parti socialiste recueillent ainsi "davantage de voix dans les catégories aisées du salariat que dans sa fraction populaire", comme le remarque le politologue Jérôme Jaffré. Dans la capitale "la gauche et les Verts obtiennent 53% des intentions de vote chez les ouvriers, 56% parmi les professions intermédiaires et ils culminent à 62% chez les cadres supérieurs" (Le Monde du 26 février, moyenne d'enquêtes Ipsos et CSA). Si Paris doit passer à gauche, c'est parce que la sociologie de l'électorat de gauche s'est droitisée. La recomposition politique dans le bastion du chiraquisme ne serait alors que la conséquence d'un glissement sociologique.
Une droite démobilisée
L'explication est intéressante mais loin d'être suffisante. Le basculement annoncé pour aujourd'hui doit autant à la sociologie qu'à une vraie différence de mobilisation entre l'électorat de gauche et celui de droite, désireux de sanctionner l'état de crise de son camp. Ainsi le recul de la participation dans la capitale - en 1995, elle était au premier tour de vingt points inférieure à la moyenne nationale (50% contre 70%) - a été parallèle à l'érosion de la droite. L'écart était de 34 points aux municipales de 1983 en faveur de la droite, puis 18 en 1989, et 13 en 1995. Si l'on se réfère aux scrutins les plus récents : il n'est plus que de 2,5 points aux régionales de 1998 et 1 point aux européennes de 1999 - 42,6% pour la droite contre 41,4% pour la gauche.
Les rivalités d'une droite divisée, le climat né des affaires, un désir d'alternance sont autant de facteurs incitant les électeurs de droite à l'abstention, notamment chez les moins de 50 ans. D'autant que la tentative de rupture que Philippe Séguin souhaite incarner vis-à-vis du maire sortant, Jean Tibéri, passe mal auprès d'une partie des électeurs de droite.
Enfin, la campagne menée par Bertrand Delanoë apporte un dernier élément de réponse à ce possible cataclysme à Paris. Le leader socialiste a parfaitement
intégré une élémentaire maxime politique : un gouvernement impopulaire nationalise les enjeux et fait reculer localement ses partisans, alors qu'un gouvernement populaire relocalise le scrutin. Dans ce dernier contexte, l'électeur identifie les enjeux liés à sa vie quotidienne, au-delà même du
positionnement politique des candidats. Selon tous les instituts de sondage, un électeur sur deux voterait pour Bertrand Delanoë à cause de son "projet pour Paris".

Georges Buisson